Ma conscience professionnelle me perdra.
J’avais déjà expliqué brièvement que, comme je n’aime pas conduire, je me suis installée à proximité de mon collège pour éviter les longs trajets, ce qui me permet d’être dans les prem’s au collège pour faire mes photocopies.
Là où ça me joue des tours, c’est que le moindre achat de baguette de pain ou de yaourts natures à la supérette du coin se solde par une rencontre avec un des mes élèves. Et le scoop absolument capital que Madame T. était hier au Super U, en jean et baskets, en train d’acheter des yaourts natures premier prix a vite fait de parcourir le collège. Même si je me suis déjà retrouvée dans des situations un peu plus compromettantes.
Comme par exemple la semaine dernière.
En adulte prévoyante et mature, j’ai déposé mon préavis pour le 1er juillet (histoire de financer fingers-in-the-nose le déménagement en Picardie et les éventuelles expéditions à Ikéa), après m’être assurée auprès de plusieurs collègues que je pourrais squatter à leur domicile pendant la dernière semaine avant les vacances d’été.
Qui dit préavis dit visites de futurs locataires.
Mercredi aprem’, j’avais pris soin de ranger un minimum le chaos / flou artistique de mon appartement, fait la vaisselle, puis me suis mise au boulot, chaussons violets aux pieds. Parce que bon, c’est p’t’être une visite d’appart’, mais c’est pas un entretien d’embauche, donc chez moi, ben je porte mes chaussons violets avec des coeurs dessus.
Donc quand mon proprio a sonné avec la future locataire, je suis allée ouvrir la porte, toujours avec mes chaussons aux pieds.
Sur le pas de la porte, il avait mon proprio, l’éventuelle future locataire.
Jusque-là, tout va bien.
Il y avait aussi une 3ème personne.
Une de mes élèves de sixième.
En fait, c’était la soeur de l’éventuelle future locataire.
Et j’ai mes chaussons violets aux pieds.
Et ma collection de nains de jardin trône bien en évidence dans mon salon.
Tout va bien.
Petit sourire décontracté dans le plus pur style « je suis une prof trop cool qui s’en fout complètement que tu viennes dans mon intimité ».
« Bonjour M. F ! Alors, on emmène des élèves dans mon appartement ? Ahaha ! »
Tais-toi, en fait, Tamara. C’est mieux.
« Je vous fais visiter, alors ? Donc le salon, très lumineux comme vous pouvez le voir. (avec ma collection de nains de jardin à laquelle mon élève de 6ème, Erine de son prénom, jette des coups d’oeil surpris. Madame T. a des nains de jardin dans son salon.)
Alors l’avantage du couloir d’entrée c’est qu’il y a des rangements un peu partout. (j’ouvre une porte de placard qui donne sur mes 25 paires de chaussures, ma caisse à outils, ma perceuse. Le premier qui tente de dresser un profil psychologique de ma personne risque de tester l’ergonomie du nain de jardin en profondeur.)
Au niveau de la cuisine, pas mal de rangements aussi. » (heu rapidement, dans quel placard c’est à peu près rangé ? Celui du p’tit dèj, j’crois)
J’ouvre le placard, une boîte de thé tombe et s’écrase par terre. Mr Bean fait visiter son appart’.
C’est le moment qu’a choisi mon portable pour sonner. Et ma sonnerie est à l’image de ma personne : classe, distinguée, de bon goût. Le petit bonhomme en mousse. Nan, je déconne. Mais ça aurait pu.
« Taaaaaaaaaaaaaaaaaaaaam tu fais quoi dimanche? On prévoit de quoi boire et faire les loques devant les résultats des présidentielles ? »
« Ca me semble être une bonne idée, oui. »
« Pourquoi tu parles comme ça ? T’amènes quoi ? Du rhum pour faire des mojitos ? »
« Oui ça doit pouvoir se faire. »
« T’es occupée, là, nan ? »
« Voilà ! »
« Ok, je te rappelle ! »
« Je vous montre la salle de bain. (qui normalement est en ordre, nettoyée, et tout) Donc il y a un rangement sous le lavabo, et un sèche-serviette. La cabine de douche est plutôt grande. »
Et elle contient un seau avec une partie de ma lingerie qui trempe depuis hier soir. Un des nombreux trucs que je n’ai pas terminé de faire hier soir. C’est un cauchemar ? Ca y ressemble beaucoup. La prochaine étape, c’est quoi ? Ma robe se déchire toute seule et je chante et danse la macarena au milieu du salon ?
« Je vous montre la terrasse ? »
A qui je pose la question ? La soeur d’Erine ou moi-même ?
Direction la terrasse, donc.
Faire visiter ma chambre avec le lit à baldaquin et les draps imprimés « Union Jack » n’ont été qu’une formalité. A un cliché près…
Compréhensif, mon proprio a compris que le moment d’écourter la visite était venu.
« Bon, on ne va pas vous déranger plus longtemps, Madame T. Merci beaucoup ! »
« Pas de problèèèèème ! « (sourire hyper détendu) « Au revoir ! A demain, Erine ! Ahaha ! »
Soupir de soulagement en refermant la porte. Texto affolé envoyé en quatrième vitesse à Sophie : « Mon proprio est venu visiter mon appart avec la soeur d’Erine D…. et Erine D. ! Aaaaaaaaaaaaaaaah ! »
3 secondes plus tard : « Une seule solution : l’exil en Picardie. Je connais un très bon passeur, et de confiance. »
« Il fait des prix pour les profs si on a le pass éducation ? »
« T’inquiète. Et tu te détends, Erine est toute timide et discrète, ton honneur est sauf. »
A l’occas’, faudra que j’invite Sophie pour qu’elle constate l’étendue des dégâts.