Tape 1 si tu penses qu’on t’a pris pour un con toute l’année

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Ce soir, la nostalgie m’étreint avec un mélange de douceur et d’amertume aux accents de fin d’année.

L’IUFM, c’est terminé (pour la rime).

On pourrait penser que l’heure est au bilan, que cette page ne peut se tourner dans un bruit de froissement délicat sans crier au monde entier ma peine, ma douleur, sans que j’exprime enfin tout ce que j’ai appris en seulement quelques séances, que dis-je, une année entière.

Malheureusement, et ce pour le plus grand désarroi de ceux qui me lisent et portent en ce moment-même une main décharnée vers un coeur qui bat la chamade, dans un effort vain d’en calmer les soubresauts, je ne vais pas pouvoir tirer de bilan de cette année IUFMesque.

Tout simplement parce que je n’ai quasiment rien appris et qu’il me semble inutile d’en rajouter une couche et de verser dans la rancoeur qui a été la mienne toute l’année de gâcher une journée à écouter du blabla pseudo pédago-démago-démerdo-officiello chiant à mourir.

Par contre, je vous fais don de la dernière journée, parfaitement représentative de cette année.

Le matin : méga-teuf avec les inspecteurs de notre discipline. Qui nous ont expliqué la réforme du bac. VF, 3D, powerpoint,  grand luxe quoi. Un rebondissement est venu nous secouer de notre semi-somnolence : pour la première fois, on nous a demandé notre avis. A nous, les premiers concernés.

Les inspecteurs : « Est-ce que vous avez des idées à nous apporter pour améliorer la formation de vos collègues l’an prochain ? »

L’espace d’un instant j’ai craint le tremblement de terre, la révolution généralisée. J’ai cru être témoin, pour la première fois de ma courte vie, d‘un soulèvement, de barricades, d’un cri du peuple à faire tomber des têtes.

Qu’est-ce que je peux être naïve….

Comme nous étions environ 95 % de l’effectif à ne pas encore avoir été « visités » par nos inspecteurs adorés pour notre titularisation, c’est une version tiède de Mai 68 qui a suivi, du genre laissée trop longtemps au micro-ondes.

« Il faudrait que certains tuteurs soient dégagés de leurs responsabilités, je n’ai pas eu le temps de voir le mien aussi souvent que j’en avais besoin. »

« Certains stages du PAF (Plan Académique de Formation) tombaient en même temps que les journées IUFM, donc on ne pouvait assister qu’à la moitié et c’est bien dommage ! C’était teeeeeeellement passionnant. » (merci Miss Et-moi-et-moi-et-moi, n’oublie pas de lécher mes ballerines avant de repartir pendant que ta langue traîne par terre)

Je sais. Vous êtes choqués par le ton à la « J’accuse ». J’ai tenté de retranscrire au plus juste la violence des propos, pour que ce moment reste à jamais gravé sous wordpress.

Remarquez, je la ramène mais je n’ai pas été plus loquace que les autres et j’ai soigneusement évité de me mettre en danger (après recherche, ça a vraiment l’air sympa, la Somme !).

Bon, j’ai quand même mis mon grain de sel.

« Heu…est-ce que par exemple on pourrait  éventuellement envisager que le module « Gestion de classe » soit placé avant la pré-rentrée et pas 3 semaines après ? Ca me semble un peu plus judicieux, d’un point de vue organisation. »

Hochements de tête de mes rares collègues qui ne se prélassent pas dans les bras de Morphée. Feignasses de profs, tiens !

Réactions : Et que je dodeline de la tête et que je fais semblant de prendre des notes, comme si je n’y avais jamais pensé avant.

L’après-midi : Travail sur l’évaluation orale. Ah oui mais problème : la formatrice en charge du module n’a pas pu venir et a donc chargé une autre copine formatrice de faire le module. Sauf que la dame en question n’avait pas vraiment envie de faire le module, en fait. Nous non plus, ceci dit. Donc à la place, séance de thérapie collective. Su-per.

Je râle beaucoup, hein ? Ma réticence vient du fait que Miss Et-moi-et-moi-et-moi était dans mon groupe, une fois de plus. Et qu’il a fallu qu’elle la ramène pour dire des choses aussi passionnantes que Camping-car magazine quand on ne possède pas de camping-car.

J’ai lancé les hostilités en la jouant Caliméro :

« Je n’ai pas autant progressé que ce que j’aurais dû. Mon tuteur n’est pas dans mon établissement, mes collègues d’anglais ne me parlent presque pas parce qu’ils ne voulaient pas être tuteurs, et donc l’année a été un peu difficile. »

Réponse de la formatrice :

« Pour le tuteur, vous êtes un cas isolé (je suis ravie de l’apprendre, d’un coup mon horizon s’éclaire et j’oublie les mois de galère.) C’est normal que vous n’ayez pas eu le temps de progresser autant que vous auriez voulu. On ne vous demande pas la lune. Accrochez-vous, les vacances sont proches ! »

Mon arrêt maladie pour dépression nerveuse aussi.

Et là, intervention de Miss Et-moi-et-moi-et-moi : « C’est vrai que c’est difficile, avec les tuteurs. Par exemple le mien, qui est dans mon établissement, n’a pu me visiter qu’avec les 2 mêmes classes pendant toute l’année ! J’ai expliqué à mes classes qu’on préparait les cours ensemble, ça me semblait être la meilleure solution. »

Un meurtre. Je vais commettre un meurtre.

« Et sinon, vous avez rencontré des problèmes avec vos classes dont vous aimeriez qu’on parle ? »

Hmmmm Mike qui se prend pour un canard ou passe des coups de fil avec sa trousse ? Les 4eA qui sont capables de tout et n’importe dès que je tourne le dos ?

Re Miss Et-moi-et-moi-et-moi : « Moi je suis en lycée et c’est difficile quand ils n’osent pas parler. Parce que dans leur tête c’est trop la honte et c’est des fayots s’ils répondent aux questions de la prof, quoi. »

Au pire je risque quoi, si je la saigne devant tout le groupe ? Qu’on me dise merci ? Y’a pas un Monsieur Et-moi-et-moi-et-moi qui l’attend, c’est pas possible.

Pétage de câble de Tamara qui tente de se contenir difficilement et lance d’une voix dans laquelle pointent l’ironie et l’agacement.

« Oui. Ca s’appelle des ados, en fait. »

Coup d’oeil de la formatrice qui se rend compte que j’ai de la fumée qui sort des oreilles et le poing dans les starting-blocks.

« Voilà, votre collègue a raison, c’est typique des ados, ce genre d’attitude. »

Miss Et-moi-et-moi-et-moi, aussi fine qu’une tranche de rosette coupée par un boucher-charcutier apprenti à 5 heures du mat avec une trancheuse mal affutée n’a pas compris que c’était le moment de se taire. Une bonne occasion de souligner que le CAPES est parfois donné à des gens qui ne vivent qu’avec 2 neurones. Pauvre France de demain.

« Et en plus, certains se moquent ouvertement des « intellos » ! « 

Fichtre. A côté, un établissement ECLAIR, c’est une manifestation de playmobiles dans une bassine rouge en plastique avec des résidus de calcaire dans le fond. Qu’on se le dise.

Tamara : « Mais tu veux pas t’étouffer avec ton écharpe, là ? Ben tu les rembarres ! Quand tu te fais ridiculiser par la prof devant toute la classe, à priori, tu te la fermes pendant une semaine ! » (Genre faire chanter Alphonse devant toute la classe. Gniark gniark gniark)

De quoi faire hurler d’horreur un pédagogue averti, je le reconnais sans vergogne . Et rabattre un peu son caquet à l’autre, là.

Miss Et-moi-et-moi-et-moi à la fin de la journée

Pour clore ce post, un questionnaire envoyé par la DAFOP (division académique à la formation des professeurs) dans ma boîte mail.

Avez-vous participé au module « Entrée dans le métier ? »

Gné ? Les quelques jours avant la rentrée, tu veux dire ? A écouter des billevesées sur les programmes officiels et à ne pas apprendre comment gérer une classe ou faire un cours chez soi ? Ben heu… ouais, j’étais là. ‘fin, physiquement.

Pour chaque proposition merci d’indiquer votre appréciation sur une échelle de 1 (très insuffisant) à 4 (très satisfaisant)

Conditions matérielles : Y’avait un ordi et un vidéo proj’. Allez, je mets 3.

Clarté des objectifs : J’ai toujours pas compris, donc 1.

Adaptation du contenu aux objectifs : Pas compris. 1.

Qualité des méthodes et démarches de formation : Heu…2 ? Ils se sont déplacés, quand même.

Alternance théorie/mise en situation : J’ai passé la journée les fesses sur une chaise à faire semblant de prendre des notes avec mon ordinateur. 1.

Pertinence des contenus en vue d’un transfert : inutilisable en classe. 1.

J’ai noté tous les modules auxquels j’ai assisté pendant l’année, et ai tenté d’être plus clémente avec ceux du PAF. Parce qu’ils le valent bien.

À propos de Tamara T.

Je suis prof d'anglais en ZEP, au début de ma carrière, et j'ai été envoyée dans les Hauts de France grâce à la magie du système de mutations. Je partage sur ce blog mes aventures. Parce que l'Education Nationale le vaut bien.

Une réponse "

  1. 2 conclusions :

    1/ on apprend toutes et tous des trucs qui ne servent à rien à l’école (perso, j’avais des cours pour calculer de toutes pièces les capteurs thermiques et les concevoir from scratch. Dans la pratique, dans la vraie vie : on ouvre le catalogue du fabriquant et on en achète un tout fait qui convient). Par contre, des cours utiles, y’en a qui manquaient cruellement, on s’en aperçoit quand on commence à travailler.

    2/ peu de personnes osent l’ouvrir pour dire « ce n’était pas bien ». Je me rappelle après avoir passé 2j de stage d’intégration dans ma boite à me concentrer pour ne pas me barrer en claquant la porte, partageant cet ennui avec TOUS mes collègues de chaises, avoir été effaré de les voir noter généreusement ces 2 jours de galère alors que je collais des « pas intéressant » partout. Ma démarche était « ça pourra faire évoluer le biniou et ça sera moins pire pour les suivants », leur démarche était « ??????? », je ne la comprends pas, c’était un avis anonyme qu’on nous demandait de remplir !!!!!

    Réponse
    • Je pense que j’accepte moins le concept d’aller à l’IUFM pour ne rien apprendre quand mon temps est précieux et compté, et quand je suis VRAIMENT dans la merde parce qu’ils sont censés m’apprendre à faire des cours et qu’ils ne le font pas.
      Et c’est normal de ne pas oser la ramener pour dire que c’était complètement naze, hein, j’ai bien précisé que je ne l’avais pas fait moi-même. Dans le questionnaire de la DAFOP, j’ai adopté la même démarche que toi en mettant des notes pas tip-tops et en faisant plusieurs suggestions tout à la fin.

      Réponse
      • C’est évidement normal de ne pas aller se tirer une balle dans le pied en critiquant trop ouvertement la hiérarchie. Ces questionnaires se doivent d’être anonyme, sinon quid de la liberté d’expression.
        Il faudrait demander aux sessions suivantes si les choses s’améliorent…

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