La Visite, Part Two

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D-day has arrived. Un peu flippée à fond les ballons malgré les bons soins de mon tuteur qui a sacrifié son samedi « pour qu’on bosse la séquence et qu’on lui ponde un truc potable. »

D’un point de vue logistique, la formatrice devait arriver vers 9h15 pour me voir rapidement à la récré, puis enchaîner sur l’observation de mon cours de 10 heures. Mon tuteur est là, et il se précipite avec moi en salle des profs à la sonnerie pour rencontrer le dragon la formatrice.

Il n’y a personne.

Vous savez, ces scènes de western dans lesquelles le vent souffle et fait se déplacer des boules de poussières et branchages ? Même genre d’ambiance. Les papiers des syndicats sont légèrement agités par la brise de l’ouverture de la porte.

Mes collègues font leur entrée un par un, me jettent un regard genre « elle est où », constatent qu’elle n’est pas là, et m’entourent pour me lancer des grosses vannes, et des « on te voit bien faire depuis le début de l’année, tu vas gérer comme une pro ! »

Bruno est remonté à bloc, il a rodé ses questions pour amener sur le tapis ma carrière dans l’humanitaire, et révise son « How do you do ». Il a planqué une boîte de Mon Chéri dans son casier pour en offrir à la formatrice « parce que c’est bien des chocolats de nana ». Il tente de trouver un nouveau stratagème pour savoir comment la visite se déroule.

« Alors je t’envoie un élève pour chercher une chaise, avec un code genre « M. B. vous demande si le hibou mange ses graines ». Et si ça se passe mal, tu lui dis de me transmettre le message « le hibou a perdu une plume », si ça se passe bien tu lui dis « le hibou est perché ».

Cette semaine, il a alterné les moments « déconne » avec Eric, le prof de SVT avec les conseils rassurants :

« Faut bien que tu te dises qu’elle vient juger un seul cours et pas toute ta personnalité »

« On lui donne un grand coup sur les fesses et on dit « oooh pardon ! On pensait que vous étiez Tamara, c’est comme ça qu’on lui dit bonjour et au revoir ! »

 La Principale arrive, s’apprêtant à s’excuser de son retard, et constate que la formatrice n’est pas là :

« Mais c’est pas possible, qu’est-ce qu’elle fait ? Ca m’énerve, ça ! On l’attend, on l’attend !! « 

Les collègues sursautent et tournent la tête vers la porte chaque fois qu’elle s’ouvre, et poussent un « pffff » de dépit à chaque fois. Elle n’est toujours pas là.

Ambiance « la petite dernière passe l’oral de français ». J’ai l’impression d’avoir 16 ans.

Ma collègue de maths qui vient d’avoir les 4e C me souffle : « je les ai brieffé, t’inquiète. J’ai dit qu’ils devaient se tenir à carreau en anglais s’ils voulaient participer à la sortie cinéma de la semaine prochaine. » Bon, au départ je ne voulais pas les mettre au courant, mais tant pis.

Finalement, elle arrive. Elle ressemble à un être humain, elle me sourit et me tend la main. Direction la cour de récré, en me demandant dans quel état sont les 4eC. La formatrice et mon tuteur me suivent. Tu parles d’une procession. Mes collègues ont à peine le temps de réagir, et j’aperçois la tête déconfite de Bruno qui n’a pas eu le temps d’en placer une.

Premier choc : les 4eC sont TOUS rangés par 2. Ils m’attendent sagement.

Deuxième choc : alors que comme à l’accoutumée je me poste à l’entrée de la salle et les salue individuellement pendant qu’ils entrent, les 4eC se fendent d’un « Hello, miss ! » hyper enthousiaste. Ils sont sous ecsta, c’est pas possible. Je vois un sourire amusé se dessiner sur les lèvres de la formatrice. Je kiffe ces gosses.

Troisième choc : Alors qu’ils s’installent, Emma lève la main et me gratifie d’un « I have forgotten my copybook, miss. I’m sorry. ». Je bugue pendant 2 secondes, la bouche entrouverte. D’ordinaire je me bats pendant 3 minutes pour obtenir un vague « Copybook. House. ». Ils sont chauds bouillants !

J’allume ma présentation powerpoint pour me rendre compte qu’une fois de plus et malgré le milliard de précautions prises pour que le format soit compatible, mes cadres de texte déconnent. PHEUUUUUUUUUUUUQUE ! Mon tuteur hausse les sourcils genre « c’est quoi ce bordel », la formatrice n’a rien remarqué et je trafique discrètement mes cadres de texte.

Pour chaque question posée, j’ai au moins 10 mains levées. Je suis en train de me demander si ce n’est pas moi qui suis sous ecstasy. Ils ne discutent pas entre eux, sont motivés en permanence.

A la fin de l’heure et alors que je les gratifie d’un « Goodbye everybody », non seulement ils me répondent mais en plus ils saluent la formatrice. Je ne leur ai rien demandé, donné aucune consigne, au départ ils ne devaient même pas être au courant de cette visite. Ils sont trop forts.

Le lendemain les 4e C me demandent si j’ai trouvé qu’ils « ont été sages » et si j’étais fière d’eux.

« En plus on a entendu « le monsieur » (aka mon tuteur) dire que ça s’était bien passé ! »

Après cet épisode et quand j’ai lu le rapport, j’ai décidé de bichonner les 4eC. Qui me le rendent bien.

À propos de Tamara T.

Je suis prof d'anglais en ZEP, au début de ma carrière, et j'ai été envoyée dans les Hauts de France grâce à la magie du système de mutations. Je partage sur ce blog mes aventures. Parce que l'Education Nationale le vaut bien.

Une réponse "

  1. CQFD !!!
    Esprit libéré, profite de tes vacances !

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